Thomas Römer (dir.). 1997. Abraham. Nouvelle jeunesse d'un ancêtre. Genève: Labor et Fides, 149 p.



Ce livre rassemble dix conférences présentées lors d'un cours public organisé par la Faculté de théologie de Lausanne durant le semestre d'hiver 1996, sous le titre «Abraham. L'actualité d'un ancêtre». Ces dix conférences qui constituent autant de chapitres rendent bien compte de la multitude de lectures que l'on peut faire d'Abraham, cette figure par excellence de l'ancêtre. L'ordre dans lequel apparaissent les contributions suit un principe chronologique: il propose une visite guidée depuis les traditions fondatrices d'Abraham jusqu'aux lectures les plus modernes.

Le premier article, signé Thomas Römer, cherche à montrer que la constitution du cycle d'Abraham, qui a eu lieu autour de l'exil, peut s'expliquer comme une réaction contre une approche trop nationaliste de l'identité du peuple de YHWH. Daniel Kaestli explique comment Abraham est devenu un visionnaire apocalyptique dans certains écrits juifs de la littérature intertestamentaire, targumique, midrashique et talmudique, tandis que David Banon présente le portrait rabbinique d'Abraham, ce patriarche à l'identité à la fois nationale et universelle. De son côté, l'exposé de Daniel Marguerat se divise en deux parties: après avoir examiné en quoi Abraham est figure de père au premier siècle pour les juifs comme pour les chrétiens, il s'attache à décrire la réflexion paulinienne sur la paternité d'Abraham. Jean-Claude Basset nous invite à parcourir les principales sourates coraniques parlant d'Ibrahim et de ses deux fils, Isma`il et Ishaq, ainsi que l'oeuvre de Tabari, exégète ayant vécu entre 839 et 923 de l'ère chrétienne. À partir de Genèse 22 et à l'aide de Kierkegaard et de Kafka, Denis Müller cherche à mieux articuler l'absolu religieux du christianisme et l'absolu éthique du judaïsme. Ensuite, le psychanalyste Thierry de Saussure nous offre une synthèse de l'ouvrage de Marie Balmary, Le sacrifice interdit. Freud et la Bible, ouvrage qui est consacré en grande partie à la figure d'Abraham et avec lequel il se dit d'accord pour l'essentiel. Pour sa part, Bernard Reymond s'interroge sur la manière chrétienne de prêcher Abraham. Puis, dans un texte court mais dense, une réflexion sur le rôle essentiel de l'ancêtre Abraham dans la foi chrétienne contemporaine est présentée par Pierre Gisel. Enfin, la parole est donnée au metteur en scène Abraham Segal, auteur du film très controversé et intitulé «Abraham. Enquête sur un patriarche». Ce dernier texte, déjà paru dans la revue Rive, dénonce avec insistance l'absurdité de la situation actuelle où on expulse, blesse et tue au nom d'Abraham, cet ancêtre commun et symbole par excellence d'hospitalité et de justice (Genèse 18).

Comme tout collectif, les chapitres de ce livre, qu'on peut lire dans l'ordre que l'on veut, sont de valeur inégale. Mais ces dix portraits d'Abraham, qui sont très différents les uns des autres, voire parfois même contradictoires, témoignent, chacun de façon plus ou moins éloquente, de la jeunesse de ce patriarche et surtout de son importance pour le dialogue interreligieux.


Jean-Jacques Lavoie
Université du Québec à Montréal

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